HISTOIRE
Il y a 18 ans, Hyuen venait au monde dans une ville aux alentours de Meihua Chengshi. Sa mère était couturière et son père un ancien garde de la ville ayant pris sa retraite pour se marier avant de se reconvertir lui-aussi en couturier. L'homme avait une passion qui était la musique. Il possédait quelques instruments dont un shamisen. Le petit fut donc bercé très jeune par le son mélodieux des cordes pincées.
Ses parents s’étaient rencontrés quatre ans plus tôt. La mère de Hue, surnom qu’on lui donna, était une couturière des plus belles et intelligentes mais avec un léger défaut qu’elle transmit à son fils : son étourderie. Mais c'était ce qui faisait son charme et qui fit qu’elle, Chiyo Amàe, séduisit Jyu Lyao, le père du petit, qui la demanda en épousailles.
Il n’y a que très peu de souvenirs de sa petite enfance. Son père lui apprit à jouer de cet instrument que lui-même adorait quand il était jeune et qui lui rappelait tant de choses. Hyuen était un enfant sage, du genre à se terrer dans un coin quand on lui donnait quelque chose à faire. Vraiment des plus adorables malgré ses nombreuses colères et ses quelques caprices d’enfant. Rien de plus normal à cet âge. Ses caprices ne concernaient jamais l’argent, il savait combien sa famille était modeste, trop modeste pour pouvoir lui payer ce qu’il voulait.
Il ne s’en plaindra jamais, préférant depuis toujours batifoler dehors et jouer avec les enfants des voisins.
Quand il eu deux ans, sa mère donna naissance à son petit frère, Mao. Contrairement à ce qu’ils avaient pensé, Hyuen ne fût pas jaloux. Il prit soin de son petit frère comme il le pouvait. Plus tard, en grandissant, il semblait plus faible, plus effacé que Mao qui lui avait grandit avec plus de caractère. Le petit le lui faisait d'ailleurs ressentir à longueur de journée. Jamais l'aîné n’en voulu à son petit frère, se disant que c’était de sa faute sûrement, qu’il n’avait qu’à être moins en retrait. Bien évidemment, sa famille prenait sa défense et lui disait d’être un peu plus méchant avec son frère afin de ne pas se laisser dévorer par lui. Hyuen n’en fit rien, subissant, comme toujours. Et puis il était déjà si maladroit de nature qu'il ne voulait pas s'attirer les colères de son frère et se faire encore plus railler.
Il a maintenant 6 ans.
Leurs parents avaient de quoi payer l’école, c’était déjà ça mais l’école lui permettait de se changer les idées, tout comme jouer du shamisen avec papa. Mao fou furieux de jalousie, voulait en jouer aussi. S’en suivit une guerre sans répit que Mao mena contre son frère pour pouvoir le « battre » à cet instrument.
Heureusement il s'était fait beaucoup d’amis. Sa gentillesse lui jouait parfois des tours mais il apprenait en même temps que tout le monde n'était pas digne de confiance. Il avait un meilleur ami, appelé Shyu, le fils des voisins d’à côté qui venaient d’emménager. Celui-ci voulait faire Meihua plus tard.
Hyuen, lui, voulait faire docteur. Il pourrait ainsi soigner la maman de Shyu qui était gravement malade et aider les autres enfants qui souffraient. Tous deux étaient les meilleurs amis du monde. Enfin, Hyuen avait un véritable ami et non pas un simple copain de jeu comme il en avait toujours eu. C’est aussi à cette époque qu'il commença à faire des bêtises avec ce copain, à aller là où leurs mères leur interdisaient, à aller embêter d’autres enfants pour jouer…
C’était d’ailleurs la première fois qu’il défiait ainsi l’autorité parentale. C’était à la fois rassurant et alarmant car ils avaient pour habitude de jouer près de la rivière. Là où leurs parents ne voulaient pas qu’ils aillent parce que c'était trop dangereux. Hue, lui, savait nager mais Shyu n’avait jamais mis plus que les pieds dans l’eau, ce qui ne l'effrayait pas pour autant.
Les enfants se mettent si facilement en danger à cet âge là, sans même en avoir conscience ni penser à mal.
« Hue ! Je t’ai dit de ne pas aller jouer près de la rivière ! Vous pourriez tomber dedans et ne plus en ressortir. Je ne veux plus que tu y ailles, d’accord ? »
Le petit Hyuen était pleins de regrets, Maman était en colère et s'inquiétait à cause de lui. Il n'irait plus, promis.
Le lendemain, Shyu vint le chercher. Comme toujours ils commencèrent à s’amuser jusqu’au moment où celui-ci voulu emmener le petit roux jusqu'à leur cachette près de la rivière.
« Non, je n’ai plus le droit d’y aller. Maman m’a dit que c’était trop dangereux… »
Son copain insista… Hyuen fini par craquer. Pardon Maman, ne sois pas fâchée, je m’excuserai ce soir. Ils étaient assis sur le bord, en train de fixer les gros poissons. Leurs couleurs et leurs formes, waouh, ils étaient si beaux ! Hue adorait les poissons, c’était si joli à regarder, surtout près de la rivière. A cette époque de l’année, le printemps était déjà installé. Les rives étaient si belles, les fleurs déjà bien épanouies, un décor de carte postale.
« Viens, on va essayer d’en attraper ! »
Hue retint son ami par le bras. Faisant non de la tête, il se leva :
« On devrai partir. En plus la rivière, papa il dit qu’elle est toujours plus profonde qu’elle n’y parait et tu sais pas nager… »
Shyu, regarda d’abord son ami, puis les poissons. Non, il ne devait pas y avoir beaucoup de fond, il s’en faisait pour rien. Même s'il ne savait pas bien nager, il avait des bases mais il écouta Hue et se releva aussi. Ils firent le tour de la rivière, jouant et se chamaillant pour rire.
Cette chamaillerie amena les garçons à se rapprocher du bord de l’eau, s’approcher de plus en plus dangereusement de celui-ci… Ce qui devait arriver arriva, Shyu, le petit brun tomba dans l’eau tête la première. Il tenta d’abord de se rattraper au bord mais un courant l’en éloignait.
« Hyu….Hyuen !!! »
Hue n’hésita pas. Il n’avait que sept ans et n’avait aucune conscience de la dangerosité de la situation. Il n’avait qu’une chose en tête : sauver son meilleur ami. Il sauta à l’eau. Par chance, son père leur avait apprit à Mao et lui à nager mais le courant était trop fort, bien plus qu’il le ne semblait. Hyuen réussit pourtant à attendre le petit brun qui avait déjà avalé beaucoup d'eau.
Utilisant toute sa force, il le ramena près du bord, coulant peu à peu sous le poids de son ami mais aussi à cause de la fatigue. Il n’arrivait bientôt plus à avancer. Alors que Shyu réussit à regagner la rive, Hyu lui, commença à dériver, épuisé.
« Donne ta main ! Vite, Hue ! »
(
Ses jambes devenaient comme du plomb mais il arrivait encore à avancer, quand d’un coup ses pieds s’empêtrèrent dans des algues. Hyuen commença à paniquer et à s’agiter dans tous les sens, buvant la tasse de plus en plus. Il regarda Shyu qui voulu revenir l’aider et lui cria avant d’être englouti :
« Vas t’en ! Ne reviens pas me chercher ! »
Il voulu lui dire de hurler, d’appeler quelqu’un pour venir le chercher mais c’était trop tard. Il était déjà sous l’eau, les pieds toujours coincés dans les algues, il coulait petit à petit. L’eau trouble devenait de plus en plus noire, il voyait les rayons du soleil vers le haut, et lui qui descendait plus bas, toujours plus bas… Il n’avait plus d’air. Il allait mourir ainsi. C’était fini. Mais ce n’était pas grave. Shyu avait été au moins sauvé. Il était triste, maman allait pleurer, papa aussi…Mao…
« Quel courage pour un enfant…. »
D’où venait cette voix ? Il ferma les yeux, se voyant déjà partir. Il était sûrement mort, ce devait être la voix du paradis qui venait le chercher :
« Tu as donné ta vie pour sauver celle de ton ami, alors que tu es si jeune. Si peu de gens en sont capables, même adulte. Et même ainsi aux portes de la mort, tu penses plus aux autres qu’à toi… Je vais t’offrir quelque chose. »
Quand Hyuen se réveilla il était au fond de l’eau mais de toute évidence, il n’était pas mort. Il sentait même qu'il pouvait encore tenir. Il déchira les algues qui emprisonnaient ses jambes, retrouvant de l’énergie comme sa fatigue était passée, puis poussa sur ses jambes pour sortir de l’eau. Il regagna le bord sous le regard larmoyant mais aussi surpris de Shyu. Un pêcheur avait rejoint le jeune brun pour tenter de sortir Hue de l’eau. Ni l'un ni l'autre ne pouvait en croire leurs yeux.
« Hue…. Comment as-tu fait ? »
Le jeune roux s’assit sur le rebord et le regarda. Il ne semblait pas comprendre :
« J’ai… juste nagé »
Son ami secoua la tête, comme choqué. Le pêcheur passa un kimono de soie autour des épaules du miraculé, ajoutant :
« Non… Non il ne parle pas de ça…Tu es resté 20 minutes sous l’eau…. C’est impossible ! »
Tous deux regardèrent l’épaule de Hue… Un signe étrange y était apparu. Le vieux pêcheur recula et s’agenouilla :
« La bénédiction… Tu as été béni… par un dragon…»
Hyuen ne comprit pas sur le coup puis il repensa à la voix qu’il avait entendue. « Je vais t’offrir quelque chose » avait-elle dit. C’était donc cela ? Il avait été béni par un dragon ? C’était pour cela qu’il avait survécu ? Hyuen ne savait pas comment faire pour remercier le dragon qui l’avait sauvé. Le seul moyen de pouvoir l’approcher, pour lui, était de devenir Meihua. Il décida donc de tout faire pour y arriver. Il se le promit.
Quand il rentra chez lui le soir, tout le monde était stupéfait et voulait qu’il montre sa marque. Ce qui ne fit que le traumatiser, lui qui aimait qu’on le laisse au calme. Tellement de monde vint devant chez lui juste pour cela... Ses parents partagés entre fierté et surprise... Hyuen ne le supporta pas. Il avait l’impression d’être une bête de foire mais il avait un objectif maintenant. Il annonça à ses parents qu’il voulait devenir Meihua, et donc aller à Meihua Chengshi.
Il y fut envoyé quelques jours plus tard. Il dû dire au revoir à ses parents, à son ami qu’il reverrait sûrement car celui-ci voulait devenir Meihua également et Hyuen priait intérieurement pour ne pas se retrouver seul là-bas. Il était sûr d’une chose : ne pas révéler sa marque ou le faire le moins possible…Il n’avait pas encore envie de voir sur lui le regard ahuri des gens qui ne se demandaient même pas s'il allait bien
A son arrivée, tout lui semblait si différent de son ancienne vie. Il lui fallut apprendre de nouvelles choses, avoir de nouvelles façon de se comporter pour devenir un parfait Meihua. C’est là qu’il se prit de passion pour la danse. Cet art qui était nouveau pour lui l’enchantait au plus au point si bien qu’il pouvait, et peut toujours, enchaîner des heures et des heures de répétition.
Il mit tellement de volonté pour parvenir à s’améliorer en danse qu’on dû lui apprendre à rester patient avant d’avoir l’opportunité d'apprendre une nouvelle chorégraphie. C’est aussi à ce moment qu’il s’aperçut qu’il n’y avait qu’en musique et en danse qu’il n’était pas un maladroit maladif. Lui qui habituellement possédait deux mains gauches et ne pouvait pas tenir quelque chose sans le faire tomber arrivait à rester attentif sur ces deux arts.
Ce qui n’était pas toujours le cas avec les choses les plus simples… Si bien qu’il lui fallut être reprit maintes et maintes fois et encore aujourd’hui.
Cette nouvelle vie lui offrit aussi de nouveaux amis, pour la plupart gentils. Ils devinrent d’ailleurs, avec les professeurs, une sorte de famille de remplacement car Hyuen n'a revu ses parents qu’une ou deux fois depuis qu’il est partit de chez lui. Ces mêmes amis resteront d’ailleurs toujours les mêmes, même maintenant.
Il eut une adolescence plutôt facile malgré, bien évidemment, quelques passages rebelles Il prenait en général assez mal les remarques que l'on pouvait lui faire mais préférait le garder pour lui. Hyuen était connu pour être le Monsieur Catastrophe de la maison, une sacrée réputation qui arriva jusqu’aux oreilles de ceux voulant le fréquenter.
On raconte même qu’alors qu’il se présentait aux dragons en tant que nouveau Meihua, Hyuen se prit les pieds dans son kimono et se retrouva à terre, tout rouge de honte en train de s’excuser mille et mille fois pour qu’on le pardonne.
C’est à ses seize ans qu’on lui présenta son premier amant. Il avait peur même s'il savait qu’il ne devait pas. Il n’était pas encore très à l’aise avec son corps et même si son physique est agréable, il ressentait une sorte de honte à se mettre nu devant un autre homme et le voir le contempler.
Aujourd’hui il a 18ans. Il n’aspire qu’à une chose : rendre encore hommage au dragon qui l’a sauvé et devenir un danseur et un musicien reconnu. Il n’est encore jamais tombé amoureux et ne pense pas spécialement à ça pour le moment. Parce que ça lui est inconnu et aussi parce qu’être amoureux, pour lui qui fait tout de travers, pourrait le mettre dans des situations tellement désagréables.