de là d'où tu viens, la couleur de ta peau était habituelle. Tu viens du Sud, toi, d'un pays loin de Meihua, où le soleil tapait si fort qu'il tannait la peau de tout le monde. Tu ne faisais pas exception à la règle, tu te fondais dans la masse, avec ta peau couleur pain d'épice et ton épaisse crinière noire, tellement indomptable qu'elle a fini par partir en fines dreads. Une coupe assez habituelle de là d'où tu viens, parce que tellement plus pratique. Mais ici, dans le Nord qu'est Meihua Chengshi, tu dénotes et tu fais tache dans le décor.
Tes yeux d'ébène se posent sur le monde avec un calme et une sérénité que seules de longues heures de méditation ont pu t'apprendre et t'apporter. Autrefois rêveurs, ils sont à présent ancrés dans la réalité, et sont un miroir de ton âme. Rien n'est caché, tes émotions brutes se lisent au fond de ton regard sombre. Qu'ils soient plissés par un sourire ou brillants de larmes, peu importe : ils révèlent tes sentiments si clairement que tu n'as pas besoin de dire le moindre mot.

Tu es physiquement indéniablement agréable à l’œil. Ta silhouette est harmonieuse, ton visage est joliment dessiné, tes traits sont fins. Mais c'est surtout par ce que tu dégages que tu te démarques, parce qu'en soi et en toute objectivité, ta beauté est banale. Peut-être pas à Meihua Chengshi, certes, puisque tu es entourée ici par une majorité de gens pâles aux cheveux fins et sombres, tu détonnes. Ici, ta beauté est exotique. Là bas, elle est banale, et c'est ce que tu es toi, intrinsèquement, ton charme et ton expressivité, bien plus que tes traits, qui te rendent attirante et charmante.

Tes vêtements sont simples, amples, confortables, et te permettent de bien bouger dedans. Tu n'aimes pas te sentir coincée dans une tonne d'étoffes et de tissus. Tu crains un peu l'arrivée de l'hiver ici, mais tu sais que tu vas te débrouiller d'une façon ou d'une autre. Tu aimes les robes légères, amples, que tu noues à la taille avec une ceinture ou un morceau de tissu. Tu aimes les sarouels (et tu choques quand tu en portes : une femme en pantalon, quelle drôle d’idée), et tu aimes marcher pieds nus. Tu détestes te sentir entravée dans tes vêtements. Pourvu que l'hiver soit clément, cette année.

On ne peut pas dire que tu sois grande. Tu ne l'as jamais été : pas là pas, et pas ici. Tu es fine, et dissimulée dans tes vêtements amples, on pourrait presque te croire maigre ou mal nourrie, mais il n'en est rien. Oh que non. Ton corps est sculpté, finement galbé, tes muscles sont bel et bien présent, et tu les entretiens. Un rythme de vie sain : tu manges juste à ta faim et tous les prétextes sont bons pour faire de l'exercice. Peu importe le temps, le matin te verra prête à faire ta course quotidienne.
Tu n'es pas bien grande, non, mais ce que tu n'as pas en taille, tu le compenses en attitude. Port altier, d'aucuns diraient qu'il est royal. Et peut-être bien que tu étais un genre de reine avant, les gens se plaisent à le croire, et tu ne prends pas la peine de les détromper. Tu étais bien plus qu'une reine, et ça, les gens d'ici ne le comprendront jamais.

tu es jolie, c'est indéniable, mais c'est bien plus une question d'attitude et de comportement que de beauté purement et simplement physique. Tu dégages une réelle douceur, les gens ont envie de t'approcher, ta compagnie plaît autant que ta plastique. Tes sourires valent de l'or, et la douceur de ton regard pourrait réchauffer n'importe qui, et ce même par le plus froid des matins d'hiver.
D'un naturel optimiste, les gens recherchent tout naturellement ta compagnie. Ta sérénité (parfois uniquement apparente) peut rendre les gens envieux, mais la plupart du temps, elle les attire à toi. On t'apprécie pour la douceur dont tu sais faire preuve en toutes circonstances, bien que tu sois capable de faire preuve d'une volonté de fer. Plus tard, on dira "Une poigne de fer dans un gant de velours." C'est tout à fait toi. Tu as compris depuis longtemps qu'une gentille suggestion pouvait faire bien plus qu'un ordre froid et implacable.

On t'a appris dès ton plus jeune âge à faire attention aux gens autour de toi, au monde qui t'entoure, à faire passer les autres avant toi. Décidément généreuse de ton temps et de ce que tu es prête à offrir à quiconque, même à un inconnu, tu as appris à être au service du peuple, au service du monde. C'est dans ton éducation, ancré en toi profondément, mais tu es convaincue que même si tu avais été élevée autrement, tu aurais malgré tout cette profonde empathie pour le monde, et que tu n'agirais pas différemment.

Certains aiment dire que tu as encore ton âme d'enfant, et ils n'ont pas tort pour bien des points. C'est vrai, un rien t'émerveille et tu profite de la vie, tu croques dedans à pleines dents avec l'enthousiasme des jeunes. Les petits plaisirs font ton plus grand bonheur, que ce soit le bruit de la pluie, quand tu es bien au chaud, ou l'odeur de la pluie sur l'herbe en été, que ce soit la petite brise rafraîchissante par grosse chaleur, ou l'odeur d'un gâteau qui cuit... Tu aimes les choses simples de la vie, les petits cadeaux que l'on tend à oublier trop facilement et que l'on prend pour acquises. Tu aimes t'en remettre à tes sens, en général. La vue, le toucher, le goût, l'odorat et l'ouïe. Pour toi, les sens sont le plus beau des cadeaux, et tu les savoures avec l'intensité d'un enfant.
Et pourtant, Asha, l'on peut dire que tu as une vieille âme. Tu es un paradoxe en ça : tu as su garder cet enthousiasme pour la vie, alors que d'aucuns pourraient dire que tu en as déjà vécu cent. Des fois, oui, des fois tu te laisses aller à la lassitude, à la fatigue. Trop de douleurs, trop de vécu, trop de lourds bagages qui arrivent, de temps en temps, à te traîner en arrière, et à faire peser sur toi non pas le poids des années, mais celui, bien plus lourd, de l'expérience.

je n'ai jamais été douée pour raconter les histoires et je ne vois pas en quoi cette fois serait différente. Mais puisque vous me le demandez si gentiment, je veux bien tener l'expérience. Je ne pense pas que mon histoire mérite d'être racontée, pas plus qu'une autre. Je n'ai pas la prétention de me penser extraordinaire ou exceptionnelle, mais après tout, je peux bien essayer de me plier à ce petit exercice pour vous.

Je n'ai que très peu de souvenirs de mon enfance et je n'ai pas la certitude que le peu dont je me souvienne me soit réellement arrivé, ou soit... vrai. Non pas que j'ai l'intention de vous mentir, j'ai des règles de vie bien précises et l'une d'entre elles est de ne pas mentir.